Carine Bailleul, la délicatesse dans un monde de bruts
Brut, Extra-brut…mais aussi Hors Catégorie, Solera…tel est le monde de Carine Bailleul, cheffe de cave du Champagne Castelnau.
Originaire du Vercors, fille d’agriculteurs, Carine Bailleul voulait être infirmière mais découvre le vin lors d’un stage chez Jaillance qui produit la fameuse Clairette de Dié.
Après une visite des caves de Tain-L’hermitage, Carine décide de préparer le diplôme National d’œnologie à Reims. Elle rentre chez Castelnau lors d’un stage en 2003 où elle passe un entretien avec…Elizabeth Sarcelet qu’elle remplacera comme cheffe de cave en 2020 après plusieurs années de compagnonnage.

La signature de la maison Castelnau ?
Le temps long, le vieillissement sur lies : cinq ans de vieillissement pour un champagne brut. Mais de quoi s’agit-il exactement ?
“Après le tirage, on a la prise de mousse qui a lieu. La prise de mousse, c’est la deuxième fermentation alcoolique en bouteille. Et les levures, au bout de deux mois, vont s’éteindre. Les bouteilles, elles, sont stockées en position allongée dans nos caves. Donc, ces levures vont tapisser le fond de la bouteille” précise Carine Bailleul. “C’est un peu le même phénomène qu’on observe à l’automne, lorsque les feuilles tombent des arbres. Elles tombent au sol et ensuite pendant l’hiver elles vont se transformer en humus” ajoute-elle.

Et de conclure “Et bien en fait, le vieillissement sur lies c’est un petit peu pareil. Ces levures, elles vont tapisser le fond de la bouteille et se transformer en humus; elles vont se sublimer dans notre vin et elles vont transmettre une partie d’elles-mêmes à notre champagne”
Outre le fait de produire un champagne brut et un extra-brut à 6g/l, la maison Castelnau a la particularité de produire un champagne en Solera, c’est-à-dire composé de vins récents et de vins plus vieux comme la fameuse méthode andalouse.
Alors la soléra, pour le dire simplement, c’est comme une réserve perpétuelle. Les andalous disent que le vin vieux vient éduquer le vin jeune.
Carine Bailleul

En 2009, la maison Castelnau a réalisé un assemblage de millésimes plus conséquent que ce qui a été mis en bouteille. Et cette cuvée exceptionnelle, qui s’est bonifiée avec le temps, fut le point de départ de cette solera. Une partie ayant été soutirée en 2017, il a fallu la compléter par un vin plus jeune, ce qui donna naissance à la première Solera, la cuvée 9.0 Origine, une sorte de réserve perpétuelle. Contrairement au vieillissement des autres cuvées -sur lies-, celui-ci se fait en cuves.
Si on comparait notre vin à un tissu, le vieillissement sur lies, ça donne du velours, et le vieillissement en cuve, ça donne de la soie.
Carine Bailleul
Autre originalité de la maison, la cuvée Hors catégorie, créée pour les cent ans de la marque en 2016 et qui est le fruit du travail de tous les chefs de cave depuis 20 ans : “On travaille vraiment autour du bois. Et l’idée, c’est que cette cuvée nous transporte dans la forêt.”
En fin de compte, ce rapport au temps si particulier, qui fait la force de la maison, s’illustre parfaitement dans l’œnothèque ou l’on peut trouver des millésimes avec un très long vieillissement comme ce millésime 1990.

Les coups de ❤️ de Carine Bailleul
En Champagne :
le millésime 98 dégusté au Ritz qui avait la palette aromatique des 13 desserts de Noël de la Provence

Hors Champagne :
le Domaine de la Foliette, un Muscadet sur lies, Vielles vignes.

Si elle partait sur une île déserte, Carine emporterait :
Comme vin :
le magnum 90 de la collection Œnothèque

Comme bouquin :
Éloge de l’ombre (陰翳礼讃, In’ei raisan) est un essai sur l’esthétique japonaise par l’écrivain japonais Jun’ichirō Tanizaki

Comme musique :
Les Contes d’Hoffmann, la Barcarolle (Jacques Offenbach/ Jules Barbier)